Une transformation Agile n’est pas une promenade de santé. Beaucoup d’entreprises s’y lancent, en espérant y gagner vélocité et performance, mais elles se heurtent à leur propre réalité et n’arrivent qu’à mettre en place quelques squads qui font du Scrum. Elles ne parviennent – hélas – pas à devenir Agile, au sens de l’état d’esprit, et n’en voient donc que peu de bénéfices.
Et pourtant, les valeurs et les principes Agile répondent à quantité de mécanismes positifs pour les femmes et les hommes qui les embrassent réellement. De nombreuses études en psychologie, sociologie et neuroscience, montrent que ces façons de travailler sont bien plus cohérentes avec les besoins humains, de motivation et de collaboration.
Alors l’agilité : vaine utopie ou au contraire, bon sens à explorer d’urgence ?
Pourquoi il est si compliqué de mettre l’agilité en place
En tant que coach Agile, passionnée par mon métier, je le vois bien : malgré tout l’enthousiasme et le temps passé, il est parfois bien compliqué de diffuser la “bonne parole” en face des réalités du terrain. Challenge partagé par nombre d’autres coach, quelle que soit l’entreprise.
Et pour cause, les obstacles sont nombreux.
L’Agilité demande de valoriser les individus et leurs interactions, et de façon fréquente. Or, dans la réalité, il est parfois difficile d’avoir suffisamment de temps de la part des parties-prenantes, des sponsors, voire même d’accéder aux utilisateurs finaux. Ces personnes sont peu souvent détachées pour participer activement au projet. Et quand elles le sont, elles doivent faire face à des conflits de priorité, pour peu que leur management ne soit pas suffisamment aligné avec le dispositif Agile en place. Le problème, pour l’équipe Agile, est donc qu’il n’y a pas assez de retours de qualité sur le travail effectué. Il est donc quasiment impossible de vérifier et d’améliorer la valeur, l’équipe ne pouvant se fier qu’à des informations incomplètes.
Les équipes Agile sont censées être auto-organisées et auto-gérées. Une équipe mature, qui aura déjà expérimenté cette façon de travailler, et qui bénéficie d’un cadre optimal, avec une vision produit et des personnes engagées, y arrivera peut-être. Mais dans les faits, ça se passe rarement comme ça, et les équipes ont besoin d’un minimum de supervision et d’encadrement, pour ne pas dériver. Ce besoin peut se faire ressentir sur la coordination entre équipes, sur la définition des rôles et des responsabilités entre les membres, sur la vision produit et la priorisation qui peut en être faite.
Une équipe Agile doit pouvoir s’adapter au changement en permanence. Là encore, la réalité la rattrape, dès lors qu’elle opère dans un environnement qui lui impose des process bureaucratiques lourds (ce qui est souvent le cas dans les grandes entreprises) et des délais serrés sur des scopes définis (au final une bonne vieille méthode de cycle en V). Par ailleurs, les individus ne sont pas tous à l’aise avec le changement et n’ont pas tous la résilience nécessaire pour ce type de contexte. Ceci nécessite un accompagnement de coaching et prend du temps, ce que les entreprises n’ont pas.
Ceci étant dit, et malgré cette réalité du terrain, l’Agilité, à bien des égards, est une façon de travailler bien plus proche des besoins naturels des personnes, en terme de motivation, d’équilibre et d’apprentissage.
L’Agilité, une quête de bon sens “humain”
Alors que la recherche avance dans les domaines de la psychologie, la sociologie et les neurosciences, on constate que les valeurs et les principes Agile apportent un cadre de travail beaucoup plus adapté au fonctionnement du cerveau humain. C’est ce qui devrait nous inviter à explorer d’autant plus ses possibilités, car elle nous donne des clés pour améliorer la performance des équipes, en se basant sur des besoins fondamentaux.
L’autonomie et la responsabilisation, soutenues par la théorie de l’autodétermination
Les travaux de Edward Deci et Richard Ryan ont montré que l’autonomie, le sentiment de compétence et d’appartenance faisaient partie des besoins psychologiques fondamentaux de l’homme, pour rester motivé sur le long terme. Ces trois facteurs appellent la motivation intrinsèque, qui est beaucoup plus durable que la motivation qui arrive par des facteurs externes, comme une prime individuelle, par exemple.
Les équipes Agile étant responsabilisées et autonomes dans leur façon d’atteindre l’objectif qu’on leur donne, elles sont plus à même de développer leur performance sur le long terme.
Les capacités d’apprentissage du cerveau
Les travaux de Todd Maddox, notamment, on montré que le système comportemental d’apprentissage du cerveau apprend grâce aux interactions et au feedback correctif immédiat. Ce système est aussi plus susceptible de s’approprier les comportements qui sont récompensés, plutôt que ceux “punis”. D’où l’intérêt du renforcement positif.
Les principes Agile amènent justement la notion de recevoir du feedback fréquemment et le plus tôt possible. Les équipes vont apprendre de leurs échecs au fur et à mesure que les utilisateurs peuvent leur faire des retours sur ce qui est réalisé. De même, l’erreur doit être montrée et perçue comme une façon d’apprendre et de s’améliorer. Ce renforcement positif doit permettre aux membres d’une équipe Agile, de capitaliser sur les informations reçues : positives comme négatives, et les traiter comme la meilleure façon de créer de la valeur.
Il a été très intéressant de voir, la semaine passée, comment les employés de SpaceX, et Elon Musk, ont commenté la désintégration de la fusée Starship.
Il s’agit bien d’essayer, d’apprendre et de se féliciter de cet événement.
Le développement de l’état d’esprit de croissance
Dans la continuité du point précédent, les entreprises Agile sont des entreprises apprenantes. Les recherches en psychologue de Carol Dweck sur l’état d’esprit de croissance, ont montré que nous pouvons tous développer cet état d’esprit apprendre. Quel que soit notre âge, quel que soit le domaine. Le cerveau humain est plastique, c’est à dire que les chemins qui permettent à l’information, à nos pensées de circuler, peut se transformer en permanence, pour peu qu’on le veille et que l’on mette en place des pratiques pour ça.
Ainsi, lorsque l’on décide de mettre en place des rituels d’apprentissage ou que l’on utilise la technique des petits pas, pour trouver des solutions à nos problèmes, nous capitalisons sur cette capacité extraordinaire de notre cerveau.
Et plus une équipe Agile apprend et se prouve qu’elle est capable de résoudre les challenges qu’on lui donne, plus elle sera capable d’innover et de performer.
L’Agilité ne s’arrête pas à ces quelques exemples. Il y a bien d’autres principes qui viennent confirmer ce bon sens dans la façon de gérer les femmes et les hommes qui évoluent dans ce cadre Agile, notamment le rythme soutenable, ou encore la collaboration et la communication, comme facteur de confiance, d’engagement et de satisfaction au travail.
Comment pouvons-nous l’inviter dans les façons de travailler, malgré les contraintes.
Comment faire de l’Agilité pragmatique ?
A ce stade, je pense qu’il est bon de rappeler que l’Agilité est un cadre, qui demande excellence et auto-discipline. Ce cadre doit permettre aux entreprises et à ses équipes d’appliquer les valeurs et les principes Agile, en fonction de son contexte. Il est aussi souvent difficile de faire une transformation Agile en Big bang, il faut donc passer à l’action de façon graduelle et méthodique.
Faciliter les interactions, malgré les contraintes de disponibilité
Il est possible d’identifier et de mettre en place un certain nombre de réunions régulières, planifiées à l’avance, qui permettront de sécuriser la présence des parties-prenantes. Les leaders Agile peuvent travailler avec les sponsors et les managers, de façon à s’aligner et s’assurer de la disponibilité des personnes concernées, au moins sur ces créneaux.
La communication est clé et, en tant que leader Agile, vous devez pouvoir apporter la vision nécessaire pour que tout le monde comprennent le pourquoi et les objectifs à atteindre. Il est tout aussi important de communiquer fréquemment ces informations aux parties-prenantes, pour les engager dans le processus.
Les outils concrets :
- techniques : vidéoconference, chat, mur blanc virtuel
- vision et OKR (Objectifs et résultats clés)
- rituels communs : démo, planning, mélée quotidienne, rétrospective
Permettre l’auto-organisation, avec le soutien nécessaire
Le leader Agile va avoir pour rôle de mettre le cadre et de laisser les équipes définir comment elles vont atteindre les objectifs qui leur sont fixés. En tant que leader serviteur, vous devez leur permettre de les aider lorsqu’ils en ont besoin : soit en position de coach, en les questionnant pour qu’ils identifient leur ressources, soit en prenant des actions concrètes lorsque les challenges dépassent le pouvoir et les capacités de l’équipe.
Le leader Agile aura aussi vocation à trouver les compromis nécessaires, pour qu’un fonctionnement Agile puisse émerger, malgré les contraintes de l’environnement. Il sera là pour que la transition vers plus d’agilité puisse être possible, avec l’aide de coachs Agile.
Les outils concrets :
- questions ouvertes (comment, qu’est-ce que, qui, quel…)
- relations interpersonnelles
- résolution de problèmes (analyse de cause racine, 5 pourquoi, brainstorming…)
- résolution de conflits
Inviter à l’apprentissage et à l’amélioration continue, pour permettre à l’entreprise d’évoluer, un pas après l’autre
Enfin, il devient crucial d’inviter les équipes à adopter une mentalité de croissance et d’apprendre en continu, pour s’améliorer en continu. Une toute première étape est de mettre en place des rétrospectives, et de s’assurer que les plans d’actions sont menés à bien, pour que chacun en tire les bénéfices.
Pour que cet apprentissage puisse se faire, il faut aussi autoriser l’échec, et le valoriser en tant que leçon, et faire confiance à l’équipe pour gérer les actions correctives. Un leader Agile doit pouvoir créer cet espace de sécurité pour que ses équipes puissent adresser honnêtement et efficacement les problèmes qui arrivent.
Les outils concrets :
- la rétrospective
- le micro-learning
- le pair programming
- célébrer : les victoires et les échecs
C’est grâce à ces petits pas, que l’entreprise pourra progresser vers plus d’agilité, et arriver à transformer sa culture et ses méthodes de travail, pour plus de performance et d’efficacité, à tous ses niveaux. Et cette transformation peut aussi apporter bien plus puisque l’agilité permet aux personnes d’avoir plus de satisfaction, de motivation et d’engagement dans leur travail. L’agilité peut et doit être pragmatique, pour permettre à tous d’évoluer vers un meilleur cadre.