Notre cerveau aime la nouveauté, mais pas le changement. Pourquoi ? Tout simplement parce que la fonction première de notre cerveau est de nous garder en vie. Il va donc identifier les changements comme autant de menaces et nous envoyer des signaux comme la peur.
Le problème, c’est que ce comportement par défaut est parfois “disproportionné” par rapport à la “menace” réelle. Un changement dans la façon de travailler sera perçue comme inconfortable et dangereuse, alors qu’en réalité, passées ces émotions désagréables, il y aura bien plus de bénéfices (efficacité, équilibre pro/perso).
Mais alors, comment faire face à ces limites et les surmonter ? Dans ces cas-là, l’état d’esprit Agile et les outils empruntés à l’Agilité peuvent s’avérer très efficaces.
Quelles sont ces limites que nous impose notre cerveau ?
Limite n°1 : ce sur quoi le cerveau nous motive par défaut
Comme je l’indiquais en introduction, notre cerveau à un comportement par défaut, orienté pour notre survie. Son travail à lui, c’est de tout faire pour nous maintenir en vie et nous protéger. C’est son design par défaut, et c’est pour ça que nous réagissons souvent négativement en face des changements que l’on veut nous faire faire. Notre cerveau les voit comme une menace pour notre vie.
Il nous motive pour :
- rechercher le plaisir dans ce que nous faisons,
- éviter la douleur (physique et morale),
- préserver notre énergie (au cas où nous devrions nous battre ou fuir).

Ainsi, dès qu’il identifie un écart trop important entre nos croyances, notre mode de vie actuel et ce que nous percevons que le changement implique, il se met en mode alerte maximale.
Le problème avec ce fonctionnement, c’est qu’il nous empêche d’avancer, là où l’une de ces motivations se trouve menacée. Heureusement, nous avons toutes et tous la capacité à surmonter ce processus.
Lorsque l’on prend du recul, on s’aperçoit bien sûr que la menace n’est pas une vraie menace de mort (ouf !). Mais d’arriver à prendre ce recul est une compétence utile qui peut se développer. C’est grâce à cette prise de recul que nous arriverons à nous dire : OK, ces nouvelles réunions dans lesquelles on me demande de faire des retours sur ce qui fonctionne ou pas dans l’équipe ne sont peut-être pas si dangereuses que ça pour moi. Je peux même y voir une opportunité de pouvoir dire ce qui me bloque dans mon travail et de trouver de l’aide.
En identifiant ces réactions négatives (peur, résistance par rapport aux changement) dans votre façon de fonctionner, vous avez la possibilité de les questionner. Une question que j’adore poser aux personnes que je coache (et que je vous invite à essayer) est : que penses-tu de cette façon de penser, par rapport aux objectifs que tu t’es fixé ?
Limite n°2 : le piège des biais cognitifs
Dans sa nécessité à préserver de l’énergie, le cerveau utilise des raccourcis. Parmi ces raccourcis, nous trouvons les biais cognitifs.
Un biais cognitif est un mécanisme qui permet à notre cerveau de traiter de l’information plus rapidement, en se basant que ce qu’il connait déjà, sur ce que nous croyons.
Quelques exemples :
- le biais de statu quo : « on a toujours fait comme ça » (sous-entendu, pourquoi donc devrions-nous changer ?)
- le biais de confirmation : par exemple, nous pensons que nous ne sommes pas faits pour le changement. Notre cerveau va se focaliser sur toutes les preuves qui vont dans ce sens et occulter complètement les exemples inverses. Il va ignorer que nous avons déménagé déjà plusieurs fois, que nous avons eu des enfants, etc. et que nous avons réussi à faire face au changement à chaque fois.
- le biais de négativité : “de toute façon, ça ne marchera pas”, sans jamais regarder des contre-exemples qui existent.
- le biais de conformité : “les autres font comme ça, pourquoi on ferait autrement ?” le changement est alors perçu comme un danger d’exclusion du groupe. L’humain étant une espèce sociale, on comprend qu’il puisse y avoir une perception de menace.
Cette liste n’est pas exhaustive et il existe de nombreux biais cognitifs qui peuvent limiter nos décisions. Il est bon de garder des mécanismes en tête pour pouvoir évaluer les situations de changement de façon plus pertinente.
Le meilleur moyen de les éviter est d’apprendre à les connaître pour pouvoir les identifier et les surmonter. Vous pouvez consulter des livres comme Comment déjouer les biais cognitifs, Système 1, système 2 ou encore Méfiez-vous de votre cerveau.
Limite n°3 : la résistance au changement
Une troisième limite de notre cerveau vis-à-vis du changement est notre résistance. Nous ressentons souvent de la peur face au changement et il est intéressant de se demander pourquoi. De quoi avons-nous vraiment peur ? Est-ce vraiment du changement ou est-ce que nous sommes mal-à-l’aise à l’idée d’abandonner notre confort bien acquis, ce qui est connu, autre chose ?
Les causes de la résistance au changement peuvent être nombreuses et sont liées au mécanisme de survie du cerveau que j’ai mentionné plus haut.
Arriver à identifier le pourquoi de votre résistance et exprimer les émotions qui vous traversent à cette idée sont un premier grand pas en avant dans la gestion du changement.
Par ailleurs, cette phase est tout à fait normale et parfaitement surmontable, parfois avec un peu d’aide.
A propos d’aide, regardons comment nous pouvons utiliser l’Agilité pour nous faciliter ces changements dans nos vies (pro ou perso d’ailleurs).
Comment surmonter les limites au changement grâce à l’Agilité
S’inspirer des principes de l’agilité pour gérer les changements
Les principes de l’agilité, que nous trouvons dans le manifeste Agile, permettent aux personnes et aux équipes de voir le changement sous un autre angle. L’adaptation au changement plus que la réponse à un plan est ainsi l’une des quatre valeurs proposées.
Elle incite à découper le changement (et les projets) en petits morceaux qui sont plus facilement gérables.
Elle propose également de développer un état d’esprit de croissance et de devenir “apprenant à vie”.
En réalisant que nous ne sommes pas figés dans un certain mode de pensée et que nous pouvons apprendre de tout, à tout âge, il devient de plus en plus simple de considérer le changement comme une opportunité d’augmenter nos connaissances.
Le cerveau humain n’est pas non plus fait pour la planification à long terme. Il se base en effet sur ce qui s’est déjà passé, et connait déjà. Il y a donc de fortes chances pour qu’un projet anticipé très à l’avance, comme dans des méthodes classiques de gestion de projet, rencontre de nombreux obstacles qui n’avaient pas pu être anticipés.
Il est donc plus efficace de planifier à court terme et de s’adapter au fur et à mesure des expérimentations tout au long du projet. Ça permet d’être bien plus flexible et de traiter les changements de plus petite ampleur, ce qui sera plus gérable pour votre cerveau.
En effet, le manifeste Agile invite les personnes et les équipes à itérer et livrer fréquemment. Cette méthode de “petits pas” permet de mieux gérer les risques car ils sont moins impactants que lorsqu’un grand changement arrive d’un coup. La différence entre le connu et le futur est bien plus faible et permet à chacun de gérer, par petites étapes, rendant le changement un peu plus facile.
Les outils à emprunter aux pratiques agiles pour faciliter l’adaptation
Plusieurs outils concrets, utilisés par les équipes Agile, peuvent être utilisés par les leaders et leurs équipes.
La facilitation de groupe, pour augmenter l’engagement dans le changement
Lorsqu’un changement est à venir, il peut s’avérer pertinent d’inviter les personnes concernées par ce changement à participer aux décisions de sa mise en place.
En effet, le fait de participer et de co-créer permet d’augmenter l’engagement des personnes présentes qui se sentent entendues. Il est également préférable de les laisser s’organiser sur le comment effectuer ce changement, une fois qu’il leur aura été expliqué le pourquoi du changement et les objectifs attendus.
Ces leviers de motivation intrinsèques sont bien plus efficaces à long terme, que des récompenses ou des décisions imposées en mode descendant par la hiérarchie.
Le management visuel, pour créer des repères qui rassurent
Un second outil actionnable est le management visuel. Le fait de créer sur un tableau physique ou virtuel, le suivi de la progression et de certains indicateurs, avec le rappel de la vision ou des objectifs, permet aux personnes d’avoir un repère, une ancre à laquelle ils peuvent se référer en cas de doute.
Ce management visuel contribue également à une plus grande transparence, une meilleure prise de décision (basée sur les faits) et une meilleure compréhension de ces décisions par les personnes concernées.
Les techniques de feedback pour développer l’état d’esprit de croissance
Viennent ensuite les méthodes de feedback. Celles-ci permettent aux équipes de mieux comprendre comment fonctionnent les personnes à qui sont destinées ce qu’elles construisent (que ce soit un produit physique, logiciel, un processus, une offre…).
Les techniques de feedback internes à l’équipe, comme les rétrospectives, sont également très utiles à l’équipe pour apprendre les uns des autres et s’améliorer en continu. Ces mécanismes d’amélioration continue sont d’ailleurs un excellent moyen d’apprendre à apprendre et de se familiariser de plus en plus avec les changements.
Un peu comme une désensibilisation : petit changement par petit changement, les personnes prennent conscience qu’elles sont capables de les gérer et il devient plus facile pour elles.
En conclusion, si notre cerveau a de bonnes intentions et veut à tout prix nous protéger, ces menaces sont bien souvent des “erreurs de pensées” qu’il est possible de reformuler grâce, notamment, à des outils Agile. Cet état d’esprit invite les personnes et les équipes à suivre quelques lignes directrices qui permettent de mieux vivre le changement, pour mieux vivre leur travail et se sentir mieux dans leur quotidien.